Dans le cadre de Léon Ventrerond, je redeviens celle que j'étais adolescente.

Celle que j'aimais pas. Celle dont j'aurais même pas souhaité être la copine.

Un peu looseuse (les vrais looseurs, c'était les scientifiques qui jouaient aux cartes Magic et qui passaient leur week-end en jeux de rôle), mais surtout autiste. Le nez dans les bouquins, dans le boulot.

En soit, ça n'aurait pas été la loose, s'il c'était s'agit d'une réelle volonté de ma part de me mettre en retrait. La loose consistait justement à me réfugier dans le boulot et les bouquins diverses et variées (je regrette ma consommation de l'époque), à défaut d'être capable de me réfugier dans les autres.

Toujours cette putain de timidité, limite maladive.

Celle qui a fait que je ne suis jamais partie en colo.

Celle qui a fait que je me suis longtemps fait bouffer la laine sur le dos.

J'ai commencé à remédier à la chose vers 19 ans, grâce au BAFA. Confrontation aux autres. J'ai aimé ça. J'en redemandais.

Mais je n'avais pas vaincu ma timidité au point d'être capable d'aller vers les autres.

Il a fallu que j'attende mes 21 ans et une année de fac exceptionnelle pour ça. La rencontre avec une véritable pile humaine qui m'a autant apportée, qu'elle a pu me faire mal ensuite.

Dernière étape, rencontre avec mon autiste d'ex, à la personnalité si contradictoire : aimer les gens et pourtant ne rien faire pour les retenir. J'étais son pendant. Il avait un contact facile avec des personnes qu'il connaissait peu, puis je reprenais le relais en entretenant des relations suivies avec ses mêmes personnes, alors que lui-même s'en détachait aussi facilement qu'il s'y était attaché.

De lui, j'ai gardé, au moins durant un temps, cette faculté à aller vers les autres.

J'avais enfin fini par vaincre ce qui me bouffait depuis que j'étais gamine.

Et voilà que j'effectue un véritable retour en arrière : incapable de communiquer, cloîtrer dans mon coin, sauf que désormais les bouquins ont été remplacés par l'ordi. Je suis incapable de faire l'effort d'aller vers mes collègues, tout ce qu'il y a de plus agréables pourtant. Lorsque j'interviens pour quoi que ce soit, je me trouve creuse, insipide et sans saveur. Du coup, je préfère me taire.

Pourtant, il me semble qu'en dehors de mon taf, je suis encore, un peu, ce que j'ai réussi à devenir.

Enfin, il me semble.