"La découverte physiologique du pet se double maintenant chez toi d'une émotion littéraire. En ce moment, tu produis en effet une abondante littérature autour de ce phénomène gazeux. Loin de dissimuler maladroitement sous des toussotements gênés (posture typiquement adulte), tu t'en fais le chantre, le thuriféraire.

Ainsi, au débotté et à tout propos, tu enrichis chacune de tes phrases de la locution terminale "qui pète". Exemple, le gros mammouth... qui pète (ça, nous te le concédons sans mal). Mais so ta soeur annonce qu'elle met le linge dans la machine à laver, il te paraît utile de préciser "la machine à laver qui pète". Et notre cosnternation désapprobatrice ne t'empêche pas d'émettre l'hypothèse que le linge, lui aussi, pète. Devant notre indignation cette fois à son comble, tu nous tiens tête, assurant sans barguigner que nous-mêmes nous péterions, juste avant de claquer la porte . Et d'ajouter, l'entrebaîllant, que nous serions ni plus ni moins que de gros prouts. Sortie théâtrale.

Au passage, signalons que le "gros prout" est l'autre locution récurrente. Tes envolées lyriques sont aussi constellées de gros prouts épars, qui atterrissent dans tes phrases, au jugé, et au prix de quelques éclaboussures grammaticales. Mais toujours ils font ton bonheur.

L'autre jour il m'a semblé que, chercheur infatigable enfin récompensé, tu étais allé au bout du concept, que tu étais parvenu au terme d'une ramification sémantique, par cette ultime litote : "Le gros prout qui pète." Il m'a semblé qu'on ne pouvait pas faire mieux. Que la boucle était bouclée, et que tu allais faire de même.

Que non pas : j'ai compris bien vite que cette chaire de pétologie que tu t'attribuais courronnait une carrière, mais ne t'empêcherait pas d'exercer."

Didier Tronchet, Ton père ce héros